Le consentement est habituellement considéré comme le fait "d'être d'accord" avec une chose demandée par l'autre, c’est donner une permission. En cela, elle sert de base aux approches légales ou médicales : si une personne est d’accord avec une proposition, alors l’action démarre légitimement.
On résume aussi souvent par : « oui, c’est oui », « non, c’est non », « si tu veux quelque chose, demande ». Ca invite ceux qui ont tendance à insister à se détendre un peu. Et ça invite à communiquer clairement ce qu'on veut.
Simple. Clair. Facile ?
Comme si c’était facile
Et pourtant… C’est terrifiant de demander ce qu’on veut et l’idée de « dire non » pique au vif nos vieilles peurs de rejet, d’abandon, d’humiliation…
Pourquoi dit-on oui, alors qu'on ne veut pas... et qu'il n'y a pas de contraintes objectives ?
En effet, je ne parle que du consentement dans des situations sans contraintes physiques, sans menaces, sans enjeu. Juste nos interactions du quotidien : « Tu viens m’aider pour mon déménagement ? », « Il y a une urgence pour demain, tu peux finir ce dossier ce soir ? », « Avez-vous choisi votre plat ? ». Si en plus on ajoute la symbolique autour de la sexualité, là ça peut carrément devenir le flou total…
C’est pourquoi cette première définition, simple, est souvent critiquée car elle nie complètement la complexité de l’expérience humaine. Katherine Angel expose très bien les limites de cette vision, pour les femmes notamment. Mais, si l’on sort de la sexualité, c’est vrai pour tous…
Cette définition fait comme si :
on avait tous été éduqués à communiquer
on avait tous appris à ressentir ce qui est bon pour nous
on était tous à l’aise d’accueillir un refus sans avoir l’impression d’être exclu ou rejeté aux confins de la galaxie de la honte - chose impossible à supporter pour une espèce aussi sociale que la nôtre
aucune dynamique de pouvoir ne déséquilibrait nos interactions
Passer du jour au lendemain à une culture du consentement peut en effet devenir un nouveau piège où seuls les plus affirmés s’en sortiront… Notre culture actuelle a une capacité étonnante à récupérer les bonnes idées de transformation pour les mettre au service de sa propre survie (amis du développement durable, pensée émue…).
Une culture du consentement, bénéfique à tous
Une vision plus récente et plus ambitieuse du consentement considère qu'au-delà de "donner son accord" à quelqu'un ou quelque chose, il s'agit de "se mettre d'accord" sur ce qu'il va se passer après.
Qu'est-ce que ça change ? Dans tous les cas, il faut qu'il y ait une ou des questions et la possibilité de répondre. Mais voici la différence :
Être d'accord : A veut quelque chose et le demande à B ; B a le choix entre oui ou non.
Se mettre d'accord : A veut quelque chose. B veut aussi quelque chose. A et B discutent pour voir si et comment ils peuvent trouver quelque chose qui les satisfasse tous les deux.
A noter, parfois, A est d'accord, veut bien, contribuer à ce que veut B. On peut dire que A fait un cadeau de bon cœur à B. A met de côté son désir pour un moment, parce que A a du plaisir à "faire plaisir à B". Ce modèle est valide tant qu’il est équilibré. C’est-à-dire, si d'autres fois, c'est B qui met ses préférences de côté et contribue à ce que veut A. Et bien sûr, parfois, l'action satisfait pleinement A et B.
Rester sur du oui/non, dans "être d'accord", réduit la richesse de l'échange et l'étendue des possibles.
Passez à "se mettre d'accord" demande pas mal de patience et de vigilance, parce qu'on n'a pas tout à fait été préparés...
Comment éviter les pièges du consentement et s’assurer que chacun est pleinement satisfait
1. S’assurer que les conditions du consentement sont là
Affutons notre regard pour mieux comprendre nos interactions. Bien sûr la base, ce serait qu’on s’assure que A et B veulent leur bien et celui de l’autre. Avouons que ce n’est pas toujours clair.
Alors, prenons une situation où il n’y a pas de contrainte objective. Ce n’est pas une agression, juste une interaction sociale entre A et B. Voici quelques questions pour analyser la situation :
Résumé en vidéo pour commencer !
1. Est-ce que A et B sont suffisamment libres et conscients d'eux-mêmes pour ressentir ce qu'il veulent ?
A force d'obéir à toutes les règles sociales et éducatives, on a souvent perdu le fil de nos désirs personnels. Ralentir, prendre le temps est nécessaire au début pour retrouver le fil.
2. Est-ce que A et B sont à l'aise de pouvoir dire / demander ce qu'ils veulent ? Se sentent-ils en sécurité ? Se sentent-ils écoutés ? Ont-ils des raisons de craindre la réaction de l'autre ?
Il n’y a pas de consentement quand il y a du stress. Le cerveau et le système nerveux sont en mode survie, et ce n’est pas un mode qui permet de réfléchir ou de faire des choix.
3. Est-ce que A et B sont à l'aise de pouvoir refuser ou poser leurs limites ? Sentent-ils qu'ils ont le temps de répondre ? Sentent-ils que leur « oui » et « non » seront accueillis avec le même respect et la même écoute ? Est-ce que celui qui pose la question laisse vraiment la place au refus ?
Notre culture ne favorise pas beaucoup l'expression libre du refus (peur du rejet, de l'exclusion, peur d'avoir l'air égoïste, méchant, faible...) c’est pourquoi on peut avoir du mal à refuser.
C’est sain de vérifier avant de demande si on est prêt à entendre un non… Parce que l’autre sent si cet espace est ouvert ou pas. Être prêt, ça ne veut pas dire qu’on trouvera le refus agréable mais qu’on s’occupera de nos émotions sans faire peser sur l’autre le poids de notre déception.
Astuce : commencer à dire « merci de prendre soin de toi» quand quelqu’un nous dit non… j'avoue, ça pique un peu au début, mais c’est un bon remède aux exigences.
4. Est-ce que A et B ont la possibilité de changer d'avis même s’ils ont déjà dit oui ou non ?
On ne sait pas toujours comment les choses vont se passer et on peut dire oui, parce qu'on est d'accord d'essayer, mais sans savoir si on veut vraiment la chose elle-même. C'est plus facile d'oser si on sait que nos limites seront écoutées si plus tard on change d'avis.
5. Est-ce que A et B répondent et agissent de bon cœur ?
L'enthousiasme est un bon indicateur de la réalité du consentement donné.
Il faut toutefois rester vigilant sur la sincérité perçue de l'enthousiasme. Parfois, en cas de stress, on "joue" l’enthousiasme pour faire plaisir à l'autre ou éviter de le mettre en colère ou de l'embarrasser. Alors, même si la personne a dit oui, il n'y a pas de consentement réel. Bienvenue dans le monde de la communication non verbale 😊
6. Est-ce que A ou B a plus de pouvoir, même symbolique, sur l’autre ?
Si A est un patron, un prof, un plus costaud, un plus riche, un plus populaire, un plus beau, un plus diplômé..., il a un pouvoir symbolique sur B. B n'a pas alors pas tout à fait la même capacité à dire ses préférences et à se positionner par rapport à A. Notre culture nous imprègne de ces écarts de pouvoir, on apprend, souvent inconsciemment, qu’avec certaines personnes on peut demander et avec d’autres, c’est plus sûr de ne rien dire.
Dans ce cas, c’est à A d'en être conscient pour ne pas en abuser et pour veiller à ce que B se sente le plus libre possible de s'exprimer.
Parfois A devrait même renoncer à ses demandes si B ne semble pas en capacité de faire ses propositions ou de s'opposer, car A pourrait s'étonner d'être mis en cause par la suite. (bien sûr la question se pose différemment selon les contextes : les parents, le petit ami ou le supérieur hiérarchique... dans ce cas, les rôles et les règles spécifiques sont à prendre en compte)
Une astuce
Toutes ces questions, c’est un peu dur à retenir, alors voici une petite astuce que j’aime bien, proposée par Caliact, avec son acronyme consentement pour des oui REELS. Ça ne reprend pas tout, mais en attendant de devenir super fort en consentement, c’est déjà pas mal ! Les "ouis" doivent être
Réversibles : On peut toujours changer d’idée et s'arrêter avant la fin
Éclairés : Action, personne, endroit, moment, intention… On s’assure que tout le monde a compris !
Enthousiastes : "Oh oui !!" ou "J’veux trop essayer ça". Attention au ressenti de sincérité et au langage corporel !
Libres : Sans intoxication, pression, manipulation… Est-ce qu’un NON serait accepté ET respecté ?
Spécifiques : Le OUI n’est valide que pour la question posée ! Alors on s’assure d’avoir la bonne question !
2. S’entraîner et pratiquer, pratiquer, pratiquer
Ces questions aident à mieux comprendre les interactions avec l’autre et pourquoi parfois, alors même que l’ambiance est bonne et qu’il n’y a pas de contrainte on peut sentir un léger malaise et l’impression d’avoir dit oui, avec enthousiasme, et que, pourtant, quelque chose n’est pas juste.
C’est assez fin et en même temps, ça va remuer des années de conditionnements, d’habitudes comportementales dont on n’a plus du tout conscience. C’est ce que j’aime dans cette approche, commencer à mieux voir ce qui se joue pour … remettre du jeu, de l’espace et pouvoir faire de vrais choix, plus libres et satisfaisant que ceux que l’on croit devoir faire.
Le consentement demande de l'entraînement.
Comprendre est très, très loin d’être suffisant. On a parlé de stress, de peur d’exclusion : ces mécanismes sont très puissants en nous et les réactions qu’ils dictent sont pour la plupart inconscientes. C’est pourquoi la pratique est importante. S’entraîner avec douceur à observer, à ressentir, à faire des petites expériences dans des contextes sans aucun enjeu (demander un burger sans pain au restau ou participer à une pause tendresse, par exemple) pour apaiser notre système nerveux et étendre la zone où on se sent en sécurité, où on peut faire des choix.
Notre culture se change à la fois par des changements dans les institutions mais aussi par ces prises de conscience qui nous libèrent progressivement.
Une culture du consentement, bénéfique à tous
En guise de conclusion, vous le voyez, le consentement peut être autre chose que tristement légal, utopiquement égalitaire ou radicalement défensif. Il peut être joyeux et créatif.
Le consentement
est applicable à tous les domaines de la vie.
est bénéfique aux hommes, aux femmes, aux non binaires.
est une invitation à faire nos choix et à être sincèrement curieux des choix des autres.
promeut l’intégrité, la générosité, la compassion, la gratitude et la responsabilité, avec soi et avec l’autre.
peut devenir joyeux à pratiquer.
En empruntant ce chemin, soyez doux avec vous-même et avec l'autre : notre culture et notre éducation ne nous préparent pas à écouter ce qui est juste pour nous et à écouter ce qui est juste pour l'autre. Ça demande du temps de changer. Et on manque de modèle.
Le consentement est un des outils utiles pour construire les conditions d'une société qui n'entretient pas la violence et laisse derrière les rapports de force.
L'intention que je porte avec l’Oasis Tactile, inspirée des Cuddle party et de la Roue du consentement, c’est de diffuser cette approche et d'offrir des espaces pour s'entraîner à clarifier et à enrichir nos relations et les rendre plus sincères et satisfaisantes pour tous. Découvrez les prochaines dates des ateliers d'initiation au consentement.
Le consentement est une invitation à se connecter avec soi et l'autre, avec cœur, créativité et responsabilité.
Magali
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