Le 12 décembre 2021, j'étais en interview avec Radio Campus Orléans dans l'émission Les Clitoriciennes, pour parler consentement et toucher platonique.
J'aime beaucoup cette émission : elle présente bien ce que je souhaite transmettre. Pour les personnes qui n'ont jamais participé à un de mes ateliers, c'est un excellent moyen de faire connaissance :-)
Dans cet article, j'ai joué le jeu de la retranscription. Je vous prie par avance de pardonner les phrases au déroulé aléatoire propre au langage parlé ;-)
Retrouvez l'extrait de mon intervention dans la vidéo ci-dessous.
Est-ce que tu peux nous présenter Oasis Tactile en quelques mots ?
Je l’ai lancée début 2021.
L’idée c’est d’offrir des espaces ludiques, bienveillants et surtout très sécurisés pour partager et recevoir de la tendresse et des câlins.
Ici, des câlins non sexuels, c’est se gratter le dos, se faire du bien, se masser les pieds… dans un endroit où on peut oser demander et nourrir ce besoin de tendresse, cette part aimante en nous, qui existe en chacun (même si parfois elle est bien cachée) et qui, bien souvent, crie famine de ces touchers affectueux.
La pierre angulaire, c'est le consentement.
Et tout ça, je le fais, car j’ai une pierre angulaire qui est le consentement, dont on reparlera, mais qui fait que tout ça peut exister et être très nourrissant pour chacun et apprendre en même temps à être autrement en relation avec l’autre.
Oui, tu dis que ta pierre angulaire c’est le consentement qui est dans son acception ici, beaucoup plus large que la question du consentement sexuel, mais qui est en fait étroitement liée à celle-ci. Est-ce que tu peux en parler plus précisément ?
Oui. Le consentement, comme je le pense, je suis très en phase avec Betty Martin, la créatrice de la Roue du consentement pour les curieux qui voudraient aller regarder.
C’est l’idée de sortir du rapport de force : « j’ai quelque chose que tu veux obtenir et je vais, ou non, t’autoriser cet accès ».
On est dans quelque chose qui est très culturel. Notre culture occidentale actuelle est fondée sur les rapports de force, où on essaie de se positionner à chaque fois un peu au détriment de l’autre.
Mon idée est de trouver comment créer ensemble ce qu’on va faire, en étant plus au même niveau pour mailler nos désirs, mailler nos envies et non-envies, pour que la situation qui se passe après nous satisfasse pleinement tous les deux, ou le groupe.
Et donc, je parle de consentement dans tout ce qui est « hors contrainte ». Beaucoup d’ateliers existent sur la défense, qui est très importante, que faire quand on est témoin… Moi, ce n’est pas mon sujet.
Mon sujet c’est « pourquoi, alors même qu’il n’y a pas de contrainte, je dis oui à des choses dont je n’ai pas nécessairement envie ? »
« Pourquoi, alors qu’il n’y a pas de contraintes, je n’ose pas poser les limites, je n’ose pas changer un peu le geste, alors que là ça me plaît plus ou moins ».
Donc, clairement ça se joue sous la couette. On a tous ou toutes beaucoup d’idées qui peuvent émerger, mais ça se joue aussi au niveau de ma relation familiale, de ma relation de travail, et même pour moi, plus largement, au niveau politique : à quoi je pose mes limites ? avec quoi je suis d’accord dans la société ou pas. C’est cette transformation qui m’intéresse : « qu’est-ce que tu veux fondamentalement ? », « qu’est-ce que tu veux Valérie ? », « qu’est-ce que tu veux Jean-Louis ? » et comment on va oser l’exprimer et oser le mailler avec le désir des autres.
D’accord. On avait entendu parler de toi, Magali, lors du Festival Ecoféministe « Réinventer son monde », car nous étions aussi présentes, nous Les Clitoriciennes, et on avait vu ton atelier intitulé il me semble « Consentir commence par sentir ». Ça nous avait semblé intéressait. Est-ce que tu peux nous dire, en gros, comment se déroule ce type d’atelier ?
Cet atelier passe par beaucoup d’exercices à deux et beaucoup de temps et de patience. L’idée dans « Consentir commence par sentir », au-delà du jeu de mot, c’est qu’on a tous cette vision très intellectuelle du consentement : c’est dire oui, dire non et poser ces limites. Mais ce truc… comme si c’était facile… Alors que non, c’est hyper dur. Et ce qu’on visite dans l’atelier, c’est ce que ça te fait dans ton corps quand c’est oui ou quand c’est non.
Est-ce que tu sais déjà quel goût ça a physiquement, ce oui et ce non ? Dans l’atelier, on traverse plusieurs exercices pour ressentir et la clé, c’est de ralentir.
On est dans une société qui va très vite et très vite c’est le cerveau qui répond. Or, notre cerveau c’est aussi notre conditionnement, notre « bonne éducation » : il faut que je dise oui, que je sois gentil(le), que j’ai l’air bien, que que que… on n’a pas le temps. Du coup, on prend le temps de ralentir, de ressentir et on prend le temps d’oser se poser des questions, pour aller toucher cette partie dont je parlais tout à l’heure, cette partie plus vulnérable, celle qui veut des choses pour de vrai. Qui ne veut pas ce qu’elle pense pouvoir avoir, mais qui veut vraiment des choses. Alors on se pose des questions : « est-ce que je peux [si on est dans le domaine du toucher] te caresser les cheveux ? ». On ne va pas le faire. On cherche juste à oser mettre en mots des questions liées à mon désir et à entendre celles de l’autre. Ensuite, on ajoute les réponses. Qu’est-ce que ça fait d’entendre non ? Oser accueillir ce que ça fait, pour oser plus tard poser ses propres limites. On est beaucoup dans les ressentis, dans ce que ça me fait et on partage ces ressentis avec les autres participants.
En général, on est à 50-50 hommes-femmes.
Dans ces partages, on voit comme c’est difficile pour tous, on voit toutes les histoires qu’on se raconte, tous les empêchements d’éducation etc. C’est extrêmement touchant de voir qu’on arrive à se rencontrer et on peut commencer à penser qu’on pourrait construire autre chose comme relation.
C’est très intéressant. Tu développes aussi une approche de toucher platonique. Est-ce que tu peux aussi nous en dire deux mots ?
Oui, bien sûr. En gros, moi, je suis hyper-tactile, et avec d’autres amis on se disait qu’on ne pouvait pas trop se toucher entre adultes, parce que c’est mal vu. Ça m’est arrivé d’apprendre après coup que j’avais été traitée de « salope » à un dîner, parce que je touchais beaucoup les gens… alors que non, c’est juste une manière de témoigner de l’affection.
Le toucher entre adultes, hors du couple ou de la famille, est très tabou... c'est encore plus vrai entre hommes... Pourquoi se priver autant ?
En fait, il y a un tabou énorme là-dessus alors que je considère qu’on est tous des enfants dans des corps d’adultes et que la tendresse qu’on peut avoir besoin de recevoir elle est fondamentale. C’est un besoin fondamental de l’être humain que d’être touché. Or, c’est comme si c’était kidnappé par la sphère familiale et la sphère du couple. C’est dommage de se priver d’autant de choses… C’est dommage physiologiquement pour notre corps et aussi pour notre relation avec les autres personnes car le toucher c’est un moyen aussi de connexion sociale.
Du coup, moi je crée ces espaces pour qu’on puisse nourrir cette partie-là en nous, et là, je pense très clairement aux personnes qui sont isolées, seules, ou dans un couple non tactile, aux personnes qui sont soignées et dont le corps n’est plus touché que fonctionnellement, et qui peuvent retrouver dans ces espaces, le fait par exemple, d’être simplement bercées, d’être dans des bras chaleureux. Ça nourrit une humanité incroyable. C’est possible car il y a un cadre très clair, doux, sécurisant pour que la question sexuelle soit mise de côté. Il peut y avoir de l’excitation, mais ce n’est pas le sujet. C’est normal physiologiquement, mais on s’est tous engagés à ne pas suivre ce mouvement, à ne pas nourrir cette excitation, pour juste rester dans le contact avec l’autre, que je connais ou que je ne connais pas, homme ou femme.
Dans ces ateliers, on peut dépasser certains tabous. Par exemple, du toucher entre hommes. « Moi, j’suis pas un pédé » : est-ce que tu as envie de t’empêcher d’être en lien fraternel avec la moitié de la population ? On réapprend à se toucher. Il y a quelque chose que l’on découvre de soi et de l’autre. On découvre que l’autre n’est pas nécessairement un danger. On nourrit cette humanité dans cet atelier. Et on peut oser plus ensuite, car on apprend à demander. « Est-ce que tu peux me masser le dos ? » « Est-ce que tu peux me caresser ? ». On peut se l’offre dans les ateliers. On s’entraîne à demander.
Je vois les ateliers comme des labos d’entraînement pour ensuite se l’offrir et l’offrir à nos proches dans notre vie privée.
Ce cadre sécurisant on peut le retrouver sur ton site, www.oasistactile.fr. Je précise par soucis de transparence que tu proposes de nombreux ateliers gratuits, mais il y a aussi une démarche payante car c’est aussi ton entreprise.
Oui. Pour faire connaître et parce que je tiens à cette dimension d’intérêt général je donne des ateliers une à deux fois par mois, en soirée, gratuitement, pour découvrir, notamment, consentir commence par sentir. Ensuite, j’ai vocation à créer des formats plus longs pour qu’on ait vraiment le temps d’expérimenter sur une ½ journée ou 1 journée à partir de 2022. Et du fait des formations que je suis, c’est normal pour moi qu’il y ait un échange pour continuer à développer.
Je le propose aussi bien en collectif où les gens pratiquent à deux, en groupe à plusieurs, et également en individuel pour les personnes pour qui le toucher c’est vraiment de la science-fiction, qui ont une histoire personnelle qui fait qu’elles ont besoin d’un cadre encore plus sécurisé, alors je le propose aussi à deux pour avoir une bulle de sécurité où l’attention est vraiment mise sur eux.
Tu nous as préparé un petit cadeau de Noël pour tous les auditeurices des Clitoriciennes. Je te laisse le présenter.
Betty Martin qui a créé la Roue du consentement ®, le modèle théorique sur lequel je m’appuie, a créé ce modèle à partir d’un jeu : le jeu des 3 minutes. C’est un jeu magnifique à jouer et très simple. Il y a deux questions et vous allez jouer à deux. La première question, c’est « Comment souhaites-tu que je te touche pendant les 3 prochaines minutes ? », on dialogue puis on passe à l’action. Puis on passe à la deuxième question : « Comment souhaites-tu me toucher pendant les 3 prochaines minutes ? ». A travers ce jeu, qui peut être simplement joué avec les mains, les cheveux, de manière absolument platonique ou d’une autre manière avec son conjoint, je vous laisse imaginer, on va visiter des postures qu’on n’a pas l’habitude de visiter. C’est d’une beauté incroyable. On peut y exprimer son désir, véritablement, quel que soit notre rôle dans le couple. Pour qu’il y ait une circulation entre celui qui offre, qui fait, qui permet ou celui qui reçoit absolument, sans avoir à rendre la pareille. Ça permet d’enrichir votre propre imaginaire pour retrouver ce que vous voulez au fond. Les premières parties peuvent être très troublantes. Clairement, moi au début, je me suis rendu que je ne savais même pas ce que je voulais, aucune idée. C’était une vraie découverte. Du coup, aller revisiter mon désir et celui de l’autre, c’est d’une beauté incroyable. Le jeu sera en téléchargement et j’invite chacun à jouer avec.
Merci beaucoup Magali pour cette découverte et tout ce que tu as pu nous expliquer dans ta démarche. On te retrouve sur ton site.
Merci beaucoup et très belle journée.
Merci aux Clitoriciennes pour cette chouette interview.
Prochains ateliers consentement
Retrouver la description des ateliers consentement sur le site.
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