Attention, sujet sensible.
Et force est d’admettre que Jean-Claude Kaufmann s’en sort avec brio. Il fait preuve de tact, de délicatesse, de précautions de langage et parvient ainsi à ouvrir les portes des « zones grises » du couple : de l’agression qualifiée à la souffrance silencieuse et solitaire qui naît de l’accumulation de non-dits… Il met en lumière ce que beaucoup nous avons ressenti sans oser en parler, comment dire la gêne, le non-désir, l’insatisfaction dans une société qui prend pour acquis la libération sexuelle, la désinhibition, au point de banaliser l’acte sexuel.
La force de Jean-Claude Kaufman, c’est de montrer le gouffre entre « la fable » de la libération et la réalité vécue par la majorité d’entre nous. Son livre réhabilite l’expérience et autorise d’une certaine manière l’espace de parole. Cela met le doigt sur deux besoins contradictoires : besoin d’authenticité dans le partage de l’expérience et besoin d’intégration en continuant à jouer le jeu de la fable.
Ce livre est parfois douloureux à lire, car il montre la souffrance mais aussi comment chacun contribue à cette situation. C’est la conclusion aussi intimidante que libératrice de ce livre : on peut changer les règles du jeu, nous défaire du conditionnement historique et culturel, oser la parole pour créer des relations plus alignées avec nos désirs qu’avec la norme et les histoires que l’on se raconte.
Ce livre invite à nous tourner vers notre intimité, avec amour pour soi et pour l’autre, pour y entendre nos propres besoins et les assumer en créant des vies et des couples sur-mesure.
Cet article n’est qu’un aperçu partiel et partial du livre. Si le sujet vous a plu, je vous invite à vous plonger directement dans Pas envie ce soir.
3 fables héritées de la libération sexuelle
FABLE #1 : « Le non consentement est facile. » Il suffirait de dire non et dire non serait facile. Cette vision intellectuelle, rationnelle, est à 1000 lieues des dynamiques relationnelles qui se jouent dans le couple.
FABLE #2 : « La sexualité moderne est épanouie et libérée, il n’y a plus de tabous » Alors, c'est que c'est moi qui suis coincé·e ?
FABLE #3 : « Hommes et femmes ont le même niveau de désir ». Si c’est vrai à la rencontre, les chiffres montrent régulièrement une baisse du désir majoritairement pour les femmes après quelques années… N'en déplaise aux féministes et progressistes. Mais d'où vient cette baisse ?
Ces 3 fables pèsent très lourdement sur les couples et sur tous. Si on les croit vrai, alors il n’y a qu’un pas pour penser que si on ne « colle » pas à la fable alors c’est qu’on a un problème. La honte et la culpabilité ne sont pas longues à rappliquer. Et le silence s’installe, plus épais qu’avant, quand la « simple » pudeur et les peurs rendaient déjà difficile le dialogue.
L’auteur nous invite à voir ces fables pour ce qu’elles sont : des idées modernes qui co-habitent avec des idées et surtout des pratiques anciennes. Les centaines d’années de contrôle du désir des femmes, d’imaginaire guerrier autour de l’homme qui doit « assiéger la forteresse féminine », de valorisation du machisme et de la domination masculine et de la soumission, du « don de soi » féminin laissent encore des traces épaisses dans les inconscients et les comportements. Créant chez nombre d’entre nous de la confusion, du trouble qui sont loin d’aider à clarifier le désir personnel et les moyens de le satisfaire. Le changement des comportements prendra du temps.
« Quand une norme dominante est en décalage patent avec les faits, on a un problème de société. »
Hommes et femmes subissent les injonctions de leur genre (« les hommes c’est comme ci… » « les femmes ça fait comme ça »), les injonctions culturelles à la performance, à la jouissance permanente, à la liberté qui, prises au pied de la lettre, reviennent à nier la possibilité du couple qui nécessite des négociations.
En mettant en lumière ces conditionnements et fables nocives, hommes et femmes peuvent se réinventer.
La spécificité du consentement dans le couple
Le couple est fait de petits arrangements dans le cadre d’une économie générale qui doit arriver à la satisfaction globale de chacun.
Pour autant, les études montrent que concernant la gestion du foyer, les femmes portent un poids plus lourd qui pèse sur leur énergie et peut créer un ressentiment qui pèse à son tour sur le désir.
Cela fait partie des raisons qui mènent à une divergence des désirs à mesure que le couple s’installe dans la routine : monsieur veut toujours autant, madame de moins en moins.
On pourrait débattre aussi de la qualité du sexe qui, laissant à désirer, éloignerait madame de l’acte sexuel. C’est certainement en partie vrai. Mais, cela reviendrait aussi à réduire l’acte de « faire l’amour » à une question technique ou anatomique. Les baisers, les étreintes, le toucher, les frottements… Tous ces touchers tendres nourrissent le lien et la complicité.
Mais s’ils deviennent uniquement « préliminaires » visant à réchauffer madame avant « le vrai moment » - la pénétration- alors il y a fort à parier qu’elle sacrifiera cette importante source de connexion, de complicité, de bien-être à 2, d’amour pour ne pas risquer de « lancer la machine » et de « devoir y passer ». Le toucher non sexuel, tendre, sans suite, est essentiel pour le bien-être individuel et pour le couple.
Or, il semblerait qu’une femme qui ne trouve pas de plaisir tende à se replier sur elle-même.
Le dialogue devient alors encore plus difficile. Il est très dur d’admettre que le désir s’en aille alors que l’amour est là. La peur que le dialogue se conclut par la mort du couple incite certaines et certains à « faire un effort » même quand celui-ci devient douloureux.
« La peur est plus forte que la souffrance. » p75
Il y a tant de pensées, de peurs, de désirs contradictoires… la tête est saturée de jugements, d’auto-injonctions et elle n’entend plus les messages du corps.
Notre société hypervalorise la raison, l’intellect et la parole au point que l’on peut n’accorder aucune importance aux messages pourtant clairs de la passivité, des frissons de dégoût, des poings fermés, des larmes silencieuses, des maux de ventre… Monsieur ne voit pas ou ne veut pas voir ces subtils messages et Madame peut être trop prise dans l’étau de messages contradictoires qu’elle ne sait plus, n’ose plus, cède, ne dit pas ou trop peu. Jusqu’à la rupture... La parole alors revient, les choses sont dites. Après, trop tard, violemment ou tristement. Lui peut tomber des nues de n’avoir rien vu. Elle s’en vouloir d’avoir tant attendu avant de partir, avant de dire.
« Le silence pudique fait des ravages et va à l’encontre d’une sexualité épanouie. » p 178
Ce n’est pas une fatalité.
De nombreux couples parviennent à l’équilibre. Jean-Claude Kaufmann montre comment des couples à force de dialogue, d’humour, de créativité trouvent leur propre rythme, leurs propres arrangements.
C'est ce que j'aime dans la notion de consentement comme choix. Ralentir pour me mettre à l'écoute de mes désirs et de mes besoins. Les observer, leur accorder de l'importance. Suffisamment pour oser les communiquer et les mailler avec le désir de l'autre, pour qu'ensemble nous créions une relation et des échanges qui nous nourrissent tous les 3 : nous 2 et notre couple.
Le consentement passe par le dialogue, l’écoute, la créativité dans le couple
« Un nouveau chantier extrêmement important peut être engagé dans les couples. Non pas pour résoudre la divergence de désirs. Mais pour parler davantage, trouver des accommodements, réduire les frustrations et les angoisses et, pourquoi pas, imaginer de nouvelles expériences de bien-être (voire de plaisir) partagé. » p 235
L’apport de l’Oasis tactile
Par ses ateliers sur le consentement et ses séances individuelles, l’Oasis Tactile vous apprend à :
Redonner toute sa place au toucher non sexuel dans la relation et retrouver le goût de la tendresse
Oser parler de ce sujet sensible qu’est le toucher et à remettre du jeu et de l’humour dans ces échanges
Accorder de l’importance à notre inconfort et oser demander des ajustements pour notre plaisir
Naviguer dans les postures et équilibrer les échanges.
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