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LE CONSENTEMENT AU BUREAU : « TU VEUX PRENDRE UN VERRE APRES LE TRAVAIL ? »

Dernière mise à jour : 23 janv. 2023

Dans une ère post #metoo où des entreprises américaines interdisent les relations sentimentales entre collègues et où l’on entend parfois des phrases grinçantes ou dépitées comme « bientôt, il faudra faire signer un contrat avant de faire l’amour », la création d’un #consentement authentique est une voie utilement libératrice.


Le consentement, c’est se mettre d’accord ensemble sur ce qu’il va se passer après. Ce n’est pas quelque chose que l’on obtient de quelqu’un d’autre, mais quelque chose que l’on crée avec l’autre.

On entend souvent le consentement comme une pratique pour se défendre. D'ailleurs, les médecins demandent le consentement avant un acte médical pour se défendre des conséquences si jamais ça ne se passe pas comme prévu. Et bien sûr, en cas d’agression, la question du consentement est au centre des débats.


La reconnaissance progressive des situations d’abus est une bonne nouvelle pour tout le monde. En effet, si on sort du cadre sexuel, on peut tous se trouver dans une situation où c’est notre « oui », notre « désir » ou notre intégrité qui sont négligés.

C’est ce qui m’intéresse dans la pratique du consentement authentique : elle construit une culture de l’attention à soi et à l’autre, de générosité, d’intégrité sur mes désirs et de responsabilité sur la manière dont je cherche à les satisfaire.

Ces ingrédients, ces valeurs nous permettront de laisser progressivement la culture actuelle fondée sur les rapports de pouvoir pour entrer dans une culture plus légère, plus joyeuse, plus respectueuse, où l’on construit avec l’autre pour plus de satisfaction au global.


Illustrons avec cette invitation « Tu veux prendre un verre avec moi après le travail ? ».


Photo de Yan Krukov provenant de Pexels


Je prends un cas de drague au bureau, mais...

Le raisonnement pourrait aussi fonctionner avec des questions comme « Peux-tu finir ce dossier pour demain matin, je n’ai pas eu le temps de le faire ? » ou « Pouvez-vous réduire le prix de 25% ? ».


CAS 1 : C’est moi qui invite

Pierre de la compta a très envie de prendre un verre avec Carole du service RH. Un après-midi, il se lance et invite « Caro ». Pierre est un chouette gars, on est dans une situation toute banale…


3 recommandations pour Pierre. Regardons la situation de son point de vue.


J'EVITE DE LANCER L'INVITATION SI J'AI UN POSTE PLUS ELEVE

La position hiérarchique peut conférer un pouvoir symbolique dont on est plus ou moins conscient. Carole peut être gênée de dire non à un supérieur hiérarchique.

De manière générale, posez-vous la question de l’écart de pouvoir réel ou symbolique que vous avez avec l’autre personne. Ça vous aidera à vous assurer que la personne est bien en capacité de dire non ou si elle risque de se sentir obligée de dire oui.


Un outil utile nous vient des travaux sur le racisme aux Etats-Unis : la roue des privilèges.

Roue des privilèges
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Chaque segment correspond à une caractéristique sociale ou physique.


Certaines sont plus valorisées que d’autres dans la culture actuelle et confèrent un potentiel de pouvoir supérieur.


Vous pouvez vous amuser à cocher où vous en êtes dans chaque segment et constater le pouvoir symbolique dont vous jouissez dans la société et qui vous donnent peut-être accès à des privilèges dont vous n’êtes peut-être même pas conscient.


Donc, 1. : Je m’assure que l’écart de pouvoir ne risque pas d’intimider l’autre.


JE M'ASSURE QUE JE SUIS PRET·E A ENTENDRE "NON"

Avant de lancer votre invitation, demandez-vous si vous êtes prêt·e à entendre un « oui » ou un « non ».


On respire, ça va bien se passer.

J’ai dit « prêt·e », ça ne veut pas dire que vous vous réjouirez de la même manière dans les deux cas. Si vous avez vraiment envie de prendre ce verre avec Caro, son refus sera vraisemblablement pénible à entendre.


Mais, c’est une éventualité à accepter avant même de poser votre question. Ainsi, quand vous le ferez, dans votre expression, votre ton, votre posture, quelque chose en vous laissera en effet la place à l’autre pour dire non.


Vous pouvez aussi préparer une phrase de secours si c’est non. En atelier, on utilise souvent « Merci de ta franchise. » C’est dur de dire merci quand on est un peu vexé·e mais avec la pratique c’est incroyablement libérateur, pour soi, comme pour l’autre.


De plus, ça vous protège de votre côté potentiellement reloud (on l’a quasiment tous…) qui a envie d’insister avec des phrases un tantinet manipulatoires même involontairement (culpabilisation, séduction, critiques) (NB : c’est dans le cas où vous êtes une gentille personne, les prédateurs ont aussi un attirail bien rodé, mais nous ne parlons pas d’eux ici).


Ça demande de l’entraînement, c’est certain, mais c’est essentiel.

Donc, 2. je m’assure que je suis prêt· à entendre non avant de lancer mon invitation


JE REPERE LES SIGNES DE STRESS CHEZ L'AUTRE

Vous voulez vous assurer que la personne a la capacité à vous répondre sereinement.

On a évacué la gêne hiérarchique, mais la personne peut être stressée par votre demande pour mille raisons. L’une des raisons est peut-être votre charme fou, mais il peut y en avoir 999 autres.


Nota bene : Je pars du principe que vous voulez que la personne accepte ce verre avec vous parce qu’elle en a envie, pas parce qu’elle a peur.

Or, quand il y a du stress, il ne peut pas y avoir de consentement.


Physiologiquement, la personne dont le corps a détecté un danger perd la capacité à réfléchir sereinement. Toutes ses ressources sont automatiquement dirigées dans l’une des réactions suivantes : lutte, fuite, inhibition. Ce ne sont pas des choix conscients, mais des réactions automatiques et ultra-rapides.


C'est par où la sortie ?

Au travail, exprimer la colère de la lutte est en général mal vu. Donc, il est possible que la personne stressée évite la lutte frontale et passe directement en mode fuite.


Vous pouvez reconnaître la fuite par l’agitation qui s’empare de la personne :

- Agitation physique : le regard est fuyant ou semblant chercher quelque chose – un moyen de fuir-, agitation des pieds et mains, voix instable, grimace)

- Agitation émotionnelle : gêne, inquiétude

- Agitation mentale : confusion, attention dispersée


Pour la calmer, rassurez-la sur le fait qu’elle a le choix, dédramatisez, offrez une porte de sortie. C’est tout l’intérêt de vous être préparé au non.


Son corps n'a peut-être pas détecté de moyen de fuir cette situation. Il a alors lancé le mode « inhibition ». C’est la petite souris qui fait la morte en espérant que le gros chat se désintéresse d’elle.


C‘est alors qu’il faut se méfier du « qui ne dit mot consent », car l’inhibition est plutôt silencieuse justement. La personne peut se laisser faire car son corps a conclu que lutter ou fuir « n’en vaut pas la peine » qu’elle-même d'ailleurs n’en vaut pas la peine.


Vous pouvez repérer la réaction d'inhibition par l’abattement qui l’accompagne. La personne a perdu sa capacité d’initiative :

- Abattement physique : regard vers le bas, vide, soupir, épaules tombantes, tête penchée

- Abattement émotionnel : non désir, découragement, lassitude

- Abattement mental : découragement, à quoi bon…


Cette réaction automatique sert à se soumettre devant l’adversaire en espérant qu’il abandonne l’attitude agressive (ou perçue comme dangereuse)


Une autre attitude qui peut vous mettre la puce à l’oreille : l’excès de flatterie, de minauderie. C’est une autre réaction qui consiste à s’attirer les bonnes grâces de son agresseur pour qu’il laisse éventuellement tomber ses mauvaises intentions.


Et ce, même si VOUS n’avez pas d’intention agressive. On ne sait pas ce que les personnes ont vécu avant de nous rencontrer et peut-être que leur réaction automatique au danger est devenue très sensible suite à de mauvaises expériences.


Donc, 3. je repère les signes des stress qui pourraient altérer les capacités de ma/mon collègue à me répondre franchement.


En synthèse, pour inviter un·e collègue à boire un verre : * J’évite de lancer l’invitation si j’ai un poste plus élevé * Je m’assure que je suis prêt·e à entendre « non » * Je repère les signes de stress de l’autre pour éviter la réponse de peur

CAS 2 : Et si c’est moi qui reçois l’invitation ?

La drague au bureau peut avoir un supplément de gêne, avec les risques de rumeurs ou de malaise si ça ne se passe pas bien. Restons sur la simple question « ai-je envie ou pas ? » et laissons de côté la réflexion sur le contexte.


Vous pouvez en général vous fiez à l’élan du corps.


JE REPERE LES EFFETS DU OUI OU DU NON EN MOI

Si la réponse n’est pas claire pour vous, observez l’élan de votre corps :

  • Le oui, ou l’envie, provoque souvent un élan d’ouverture, d’expansion, de vitalité.

  • La non-envie se traduit souvent par une refermeture, un point de tension dans les poumons, au niveau du plexus solaire, du dos ou de la gorge.

Alors, plutôt oui ou plutôt non ?


Prenez le temps de ressentir l'élan


SI J'HESITE, JE CHERCHE CE QUI ME FERAIT DIRE "OUI"

Si j’ai plutôt envie, mais que je sens que quelque chose me freine, c’est l’occasion de creuser ce que vous ferait dire oui de bon cœur, par exemple :

  • Rentrer avant 21h

  • Inviter d’autres collègues

  • Au contraire, aller dans un bar où vous ne risquez pas de croiser des collègues

  • Choisir un autre soir

  • Remplacer par un déjeuner au restaurant d’entreprise

Osez demander l’ajustement qui vous ferait accepter avec plaisir.


SI J'HESITE VRAIMENT, MIEUX VAUT REFUSER

Si malgré tout vous continuez à hésiter, alors dites non. Vous vous éviterez une soirée pénible à vous demander ce que vous faites là.

C’est aussi plus respectueux pour l’autre personne : dire oui pour éviter de lui être désagréable ou par politesse est au final moins respectueux qu’un non franc. L’autre perd son temps en même temps que vous.

Si vous en avez l’élan, l’énergie ou la clarté d’esprit, vous pouvez mettre dans votre non autant de délicatesse que vous pouvez, pour honorer le courage de cette personne qui vous invite et préserver la bonne relation. Mais mieux vaut un "non" tout seul qu'une non-réponse qui vous laisse mal à l'aise.


JE REPERE MES SIGNES DE STRESS

Vous pouvez aussi repérer chez vous les signes de stress que l’on a décrit plus haut.

En percevant de mieux en mieux que ce sont des programmes automatiques très stéréotypés, et en repérant les situations qui les génèrent, vous pourrez intervenir consciemment et recouvrer plus rapidement vos esprits. Il existe des techniques pour cela.


A court terme, le mieux est certainement de refuser. Cela vous laissera le temps de comprendre ce qui a généré cette réaction de défense en vous et d’agir ensuite dans votre meilleur intérêt, l’esprit clair.


C'EST TROP LONG POUR REPONDRE SI LA PERSONNE EST DEVANT MOI

C’est d’autant plus long qu’on n’a pas appris à ressentir ce qui est bon pour nous et qu’on est plusieurs à être branchés sur le mode « oui automatique » par politesse, gentillesse, pour ne pas blesser l’autre ou éviter une conversation embarrassante .

C’est pourquoi l’Oasis Tactile propose des ateliers d'initiation au consentement pour s’entraîner à :

- Retrouver le fil de ce que l’on veut ou pas

- Ressentir plus rapidement et plus clairement le oui et le non en soir

- Dire et entendre non

Retrouvez les dates d’ateliers découverte sur la page Ateliers Consentement ou contactez-moi pour créer des ateliers sur-mesure.


Conclusion

C’est très rassurant et joyeux pour moi qu’une personne accepte de boire un verre avec moi parce qu’elle en a envie et pas parce qu’elle pense ne pas avoir le choix ou qu’elle stresse.


« Pourquoi dit-on oui alors qu’on ne veut pas et qu’il n’y a pas de contrainte objective ? » est la question qui guide mes recherches et mes explorations. Car si le chantier de la réduction des agressions se met doucement en place, celui de l’autonomie personnelle, de la capacité à choisir ce qui m’arrive et la création de rapports respectueux et ouverts dans tous les autres domaines de la vie reste immense.


Merci de participer à cette émergence.


Au plaisir de lire vos réactions.


Prochains Ateliers Consentement




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